10 avril, 2011

De quoi Philippe Isnard est-il coupable ?

Un soutien inattendu pour Philippe Isnard


Avec son aimable autorisation, je publie ci-desssous la réflexion d'« Elisseievna », membre de Riposte laïque et du CERF (Centre d'étude de réformes féministes), sur la révocation de Philippe Isnard par le ministre de l'Education nationale. Il y a – c'est peu de le dire – beaucoup de points de vue de ce blog qu'elle ne partage sans doute pas. Mais son raisonnement, vigoureux et libre, est des plus intéressants. Merci, donc, à Elisseievna de défendre comme elle le fait le droit et le devoir de chercher ce qui est vrai. Situation où demeure toujours beaucoup d'espoir. – J.S.


Etant féministe, athée, pour la loi Veil, au moins dans sa version initiale, et pour l’information sur la contraception et son usage, et ayant appris la révocation de Philippe Isnard par Luc Chatel, qui m’a révoltée,  j’ai relu les accusations dont il a fait l’objet de la part de celles qui l’ont demandée.

Aucune ne me parait justifier de dire comme il a été dit, que ses éléves auraient été « victimes » d’un comportement condamnable de sa part, au point que son renvoi eût été nécessaire

La première remarque est que tout ce qui lui a été reproché de dire sur l’avortement et la contraception, n’a rien de religieux, un athée soucieux de la protection de la vie, un athé qui raisonnerait par récurrence en demandant : «  Si on admet l’avortement à tel stade, pour telle malformation, alors jusqu’où l’admet-on ? » pourrait tenir exactement les propos qui sont reprochés à Philippe Isnard.  Il n’y a donc pas là  en soi de problème de laïcité. Il est accusé par contre d’avoir « prôné la doctrine catholique comme supérieure à tout » :  est ce vrai ou non, mais à moins qu’il ne passe ses cours à cela et ne note les élèves en fonction de leur adhésion, la sanction parait pour le moins disproportionnée.

La deuxième remarque est qu’à part une mère d’élève interviewée par une télévision et critiquant la violence du film montré aux élèves, il n’a été montré par les journalistes aucune preuve que des élèves aient été en fait choqués par cette projection : si des plaintes avaient eu lieu, si les services psychologiques avaient reçu des élèves, les journalistes en auraient sans doute fait état …

Reprenons donc les accusations portées contre Philippe Isnard :

-          Projection du film «  No need to argue" devant des élèves de seconde âgés de 14 à 16 ans, au cours duquel « se succèdent en musique des images, sans lien entre elles, mais toutes plus horribles les unes que les autres »
-          Refus de laisser sortir hors la classe des élèves qui ne voulaient pas le voir et auquel le professeur a « a enjoint d'aller au fond de la classe »
-          Dénonciation de la loi Veil
-          Fait de prôner la foi catholique comme  supérieure à tout
-          Présenter la pilule ou le stérilet comme des moyens abortifs qu’il faut proscrire
-          Affirmer que le préservatif, loin de protéger des maladies sexuellement transmissibles, encourage les comportements à risque et donc la transmission du SIDA
-          « Stigmatiser » le rôle du Planning familial, « dont les subventions seraient mieux placées selon lui pour subvenir aux besoins des mères en détresse et des enfants non désirés. »

J’ai vu le film en cause, il est effectivement mauvais, présentant des images chocs sans aucune explication sur l’histoire des petits cadavres et les circonstances de leur mort, mais étant donné que justement il n’y a aucun commentaire et juste de la musique, les élèves envoyées au fond de la classe pour ne pas le voir, ne pouvaient rien entendre de choquant non plus … Il n’empêche qu’aussi mauvais qu’il soit, il montre des embryons ou fœtus pouvant très bien avoir été détruits par des avortements légaux selon la législation de différents pays qui permettent l’avortement jusqu’à la viabilité ou sans limite et les méthodes d’aspiration, de curetage, et jusqu’à il y a quelques années aux USA par « naissance partielle ».

Si les anti-ivg ou pro-vie voulaient vraiment faire des films « gore », ils pourraient montrer bien pire en réalité. Le site de l’ANCIC par exemple explique en détail les méthodes d’avortement des embryons jusqu'à douze puis quatorze semaines d’absence de règles : on prend une seringue, on aspire le contenu de l’utérus, et on prend une plus grosse pince pour retirer les « fragments ovulaires plus volumineux », c'est-à-dire la tête. Sachant qu’à ce stade l’embryon humain fait jusqu'à 10 cm et 45 ou 50 grammes, a des bras et des jambes, un visage, bougeant « par réflexe », sachant que l’on peut aussi prendre un rat nouveau né et lui aspirer les boyaux devant une caméra pour montrer vraiment de quoi l’on parle… somme toute, les anti-ivg sont assez pudiques en ne montrant que les cadavres.

Dénonciation de la loi Veil : j’ai déjà expliqué quel problème pose le fait de faire de cette dénonciation un crime dans mon texte «  Je suis pour l’avortement … », en résumé, dans une démocratie, les citoyens ont le droit de débattre des lois, sinon, l’on n’est plus en démocratie, mais un Etat basé sur des dogmes, où la souveraineté n’appartient plus au peuple, mais à l’oligarchie prenant le droit de décider des dogmes reconnus. Mais heureusement, tant que ces dogmes sont détachés de cette horreur de notion de dieu, les défenseurs de la laicité peuvent les défendre au nom de la liberté et de « ni dieu ni maitre »  n’est ce pas ? A zut, ils ont oublié « ni maîtres » … Ils sont d’un distrait tout de même !

Présenter la pilule et le stérilet comme des moyens abortifs : techniquement, si l’on veut être précis, même si cette présentation parait ridicule au premier abord :  c’est vrai, la pilule et le stérilet font mourir l’ovule fécondé, c'est-à-dire l’embryon à son premier stade.

…des moyens abortifs qu’il convient de proscrire : même remarque que pour la contestation de la loi Veil : pourquoi un professeur ne pourrait il dire sa conviction à ses éléves là-dessus, puisque le Planning  et d’autres professeurs peuvent leur dire qu’ils sont eux, pour la contraception et l’avortement ?  Je dois être sourde, pour ne pas avoir entendu une seule justification rationnelle à l’appui de l’affirmation qu’il serait scandaleux que les élèves entendent autre chose que l’apologie de la loi Veil.

 Nous sommes revenus au « moyen-âge », il y a les dogmes  auxquels il faut croire, qu’il n’est pas besoin de démontrer rationnellement car ils sont «évidents », et ceux qui n’y croient pas sont les suppôts de Satan, aux arguments desquels on se contente d’opposer une métaphore, la mauvaise odeur de leurs idées, qui n’est d’ailleurs que la reprise d’une vieille caractéristique du satanique, l’odeur délétère opposée à l’odeur de sainteté. Mais que l’on se rassure, puisque ce sont de fervents (zut qu’ai-je dis) partisans de la laïcité qui emploient ces images, elles ne peuvent être que débarrassées de leurs miasmes (zut …cela m’a encore échappé) religieux, c’est évident, là encore, n’est ce pas ?

L’argument que je préfère : critique de la capote qui favoriserait l’expansion des MST. Je suis pour l’usage des préservatifs, pour minimiser les risques, mais le Pape a tout à fait raison de dire que la publicité en faveur de l’usage du préservatif au lieu de la fidélité favorise les risques de transmission. Aucun moyen technique n’est fiable à 100 %, donc encourager les gens,  comme le font plusieurs publicité en été par exemple, à avoir des relations sexuelles avec des gens qu’ils ne connaissent pas et sans auparavant de période d’abstinence suffisante pour s’assurer que l’on n’est pas porteur du HIV, c’est effectivement leur faire courir un risque, et pas un petit risque, juste un risque mortel.  J’ajoute que la vision de distributeurs de capotes dans les rues ou le métro, (super pour les marchands de préservatifs…) me fait toujours penser à une affiche qui dirait au passant «  Un petit besoin urgent  de vide-couille ?  je te fournis l’anti-Mst supersur à 110%, tu n’as plus qu’à trouver l’ustensile, la meuf quoi ». Nos rues sont pleines de poésie n’est il pas ? Bref, qui est dangereux pour les adolescents ? Ceux qui les encouragent à avoir un comportement avec un risque certes faible, mais certainement pas nul, et juste mortel, ou bien ceux avec le Pape qui les encouragent à un comportement zéro risque ? Les seconds sont des rabats joie et affreux intégristes, bouh !, mais les premiers ils sont quoi ?…

« Stigmatiser » et subventionner le planning au lieu d’aider les mères en détresse :  je ne vois pas pourquoi opposer les deux, étant donné que le planning a la mission d’informer sur la vie sexuelle et donc de prévenir les situations de détresse, je me réjouis au contraire que l’information sur la sexualité et la fécondité soit disponible alors qu’elle était précédemment interdite, et je rappelle aux chrétiens qui prônent des méthodes de contrôle (moins fiable mais de contrôle tout de même) de la fécondité non médicamenteuses, qu’ils devraient remercier les féministes car auparavant même ces méthodes là, qui relèvent pourtant de la « médecine douce », ne pouvaient être rendues publiques… Il n’empêche que je n’arrive pas à comprendre, ce qu’il y a de si nocif pour les élèves dans le fait de leur dire que l’on souhaite plus d’aide pour les mères et moins pour le planning. Mais si, suis-je bête : c’est la « stigmatisation » bien sur ! Tenir des propos « racistes planningophobe » en pleine classe, voilà bien qui peut être une cause de traumatisme à vie pour les élèves, mais bien sur ! …

Bon, sérieusement, parlons maintenant de ce que les élèves entendent et se voient imposer de vraiment grave pour eux, et qui ne fait l’objet d’aucune sanction. J’ai été témoin de propos antisémites, en cours magistral en pleine classe. Nombre de professeurs ont entrainé leurs élèves dans des manifestations politiques à plusieurs reprises et de plus en plus fréquemment.  L’information sur la sexualité en classe est certes indispensable, mais elle est extrêmement délicate à donner sans agresser les élèves. J’ai été témoin de questions posées aux élèves qui sont un vrai viol de leur pudeur et en public devant toute la classe, sans aucune mauvaise intention bien sur, mais pourtant … Je rappelle aussi la lecture dans plusieurs classes de passages pornographique du livre de Azouz Begag «  Le gône du chaaba ». « "- Et si on s’enculait comme les grands ?... etc » (Le Figaro 05.03.2004 Le bloc-notes Ivan RIOUFOL).  N’y voyez aucune atteinte à la pudeur des adolescents, aucune sanction, des félicitations …

Mais le monstre, c’est Philippe Isnard surement … ?

Elisseievna

Avril 2011

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