13 mars, 2012

Argentine : reconnaissance d'un “droit” d'avorter en cas de viol

Pour les médias argentins, l'information est « historique » : la Cour suprême de Justice de la nation vient d'avaliser la sentence du tribunal suprême de la province de Chubut dispensant de toute démarche judiciaire  en vue d'autoriser un avortement en cas de grossesse consécutive à un viol. Cela faisait longtemps que les lobbies de la mort tentaient d'imposer un tel état de choses, se fondant sur les exceptions de dépénalisation contenues dans le code pénal fédéral.

Jusqu'ici, les affaires pouvant relever de cet article 68 donnaient lieu à une démarche auprès de la justice, le juge se chargeant de vérifier si l'une des conditions de dépénalisation était remplie, ce qui mettait tout de même un obstacle à la réalisation de l'avortement.

C'est à l'unanimité que les juges de la Cour suprême ont posé le principe du non recours au juge, en se prononçant sur des recours formulés à l'occasion du viol d'une adolescente de 15 ans par son parrain en mars 2010. L'arrêt affirme qu'il ne faut pas « judiciariser » les affaires de ce type et qu'il faut au contraire mettre en œuvre des protocoles sanitaires permettant à toutes les femmes enceintes à la suite d'un viol d'avoir accès directement à l'avortement. La Cour ait dans le même temps fixé la jurisprudence sur un deuxième point en interprétant la loi dans un sens large : ce ne sont plus seulement les femmes « vulnérables » violées, mais toutes les victimes de viol qui pourraient se prévaloir de l'accès à l'avortement non punissable au nom de la priorité des « droits de la femme ».

Les intentions des juges sont clairement exprimées dans l'arrêt : il s'agit d'ôter la décision d'avorter ou non des juges et des médecins qui peuvent avoir un regard personnel sur la question au nom de leurs convictions morales ou religieuses.

Mais l'arrêt laisse bien des points en suspens. Qui peut juger, en effet, de l'exactitude des faits si le simple fait de se dire violée ouvre automatiquement la porte à l'avortement qui en tout autre circonstance ne pourrait qu'encourir des peines pénales ? Les médecins peuvent-il exiger une enquête de police ? Comment celle-ci ne serait-elle pas sanctionnée par voie judiciaire ? Quid enfin de l'objection de conscience des médecins : se verront-ils contraints de concourir à des avortements au motif qu'ils ont été décrétés non punissables en certaines circonstances ?

Autre originalité : les arrêts de la Cour suprême ne sont pas obligatoirement appliqués dans l'ensemble des provinces de l'Argentine, l'interprétation de la loi fédérale peut varier d'un lieu à l'autre tant que les affaires ne remontent pas jusqu'à Buenos Aires.

C'est ce qui aurait dû se passer ici puisque un premier appel dans la province de Chubut avait abouti au refus de l'avortement, puis le Tribunal Supérieur de la province avait décidé l'inverse en mars 2010, et l'avortement avait eu lieu. Il n'y avait donc pas lieu d'aller plus loin sur le plan judiciaire.

Je notais ici, le 7 mai 2011, que divers groupes pro-avortement ont fait pression pour que la Cour suprême de Justice argentine accepte de juger l'affaire, sans trop de mal semble-t-il vu l'unanimisme des juges trop ravis de s'en saisir. Parmi les groupes de pression, il y avait Human Rights Watch et l'association irlandaise du Planning familial.



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