02 juin, 2012

Prélèvement d'organes : la grande hypocrisie

Paul E. Morrissey
Toujours en pointe, attentif et précis dans ses informations, le site australien BioEdge rapporte aujourd'hui la dernière péripétie dans l'affaire complexe de la « mort cérébrale » et du prélèvement d'organes. Cette affaire illustre comment s'opèrent les glissements pour répondre aux besoins d'une industrie multi-milliardaire. (A ce propos, voir aussi le message du Salon beige, ici.)

Face à la pénurie mondiale de donneurs de reins – la transplantation étant aujourd'hui la principale option thérapeutique proposée dans les cas graves, quelles que soient ses difficultés et les souffrances associées – un bioéthicien a proposé une nouvelle règle pour le prélèvement dans la dernière livraison de l'American Journal of Bioethics. Paul E. Morrissey, de la Brown University à Rhode Island, verrait bien prélever les deux reins sur des personnes ayant subi un traumatisme cérébral et survivant grâce aux soins de réanimation. Comme de toute façon elles sont appelées à mourir à brève échéance, pourquoi ne pas prendre les reins tout de suite ? Cela se situerait si près de la mort effective que le prélèvement pourrait raisonnablement ne pas être considéré comme la cause du décès. Ainsi la règle du « donneur mort » aujourd'hui en vigueur, serait respectée, dit-il. Il appelle cela la « donation premortem ».

Et ce même si la vie sans reins est « habituellement courte », comme le note l'auteur.

Mais qui connaît l'espérance de vie d'une personne ayant subi un traumatisme cérébral ? Son pronostic exact ? La possibilité pour le patient de survivre quand même, malgré le retrait de la ventilation ? Les erreurs ne sont pas inconnues en ce domaine et cela devrait suffire à invalider la proposition.

Celle-ci est de toute manière irrecevable puisqu'elle consiste tout simplement à envisager de se servir en organes vitaux sur un patient vivant, même si le prélèvement le provoque pas immédiatement la mort comme c'est le cas pour le cœur ou le foie.

D'où des protestations multiples : on retiendra celle qui accuse Morrisson de vouloir violer le serment d'Hippocrate qui enjoint de « ne pas nuire ».

Mais deux autres bioéthiciens américains sont d'un autre avis – et c'est là que cela devient intéressant. Franklin G. Miller et Robert D. Truog soutiennent que le raisonnement de Morrisson est très juste. « Probablement certains s'y opposeront en invoquant la pente dangereuse : le prélèvement des deux reins premortem servira de levier pour abandonner la règle du donneur mort. Si l'on considère la réalité de nos pratiques courantes, cependant, il devient évident que la règle du donneur mort n'est conservée qu'en tant que fiction. »

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