13 septembre, 2012

Le procureur général de Colombie sommé de soutenir l'avortement, sous peine d'arrestation

On a parfois l'impression que l'histoire s'accélère. Si j'avais le temps je vous parlerais aujourd'hui de quantité de sujets allant de la pression pour faire euthanasier le prince Friso des Pays-Bas, victime d'une avalanche il y a six mois et depuis, dans un « état végétatif », aux mises en garde de scientfiques à la suite d'études en Ecosse sur les conséquences néfastes de la présence de déchets hormonaux, impossibles à éliminer, dans les eaux sales… Ou encore de cette communication scientifique en Irlande attestant que l'avortement direct n'est jamais nécessaire pour sauver la vie de la mère… Ou cette décision en Argentine de refuser que l'exception jurisprudentielle permettant à une femme violée d'accéder à l'avortement soit conditionnée par une attestation médicale ou judiciaire de la réalité du viol… Mais ce soir, je tombe sur ceci.


La Cour constitutionnelle de la Colombie vient d'ordonner au Procureur général de la nation, Alejandro Ordoñez, de rétracter ses critiques à propos des campagnes de défense des droits reproductifs et de promotion de l'« éducation sexuelle », ainsi que sa demande visant à faire retirer du marché la « pilule du lendemain », ou contraception d'urgence, qu'il présente comme abortive.

S'il ne se soumet pas aux injonctions de la Cour, il sera considéré comme ayant commis un « outrage » et pourra être arrêté.

Cette démarche de la Cour constitutionnelle, qui par sa jurisprudence a déjà imposé à la Colombie une dépénalisation de l'avortement dans les cas dits limites comme la malformation fœtale, le danger pour la vie de la mère ou la grossesse résultant d'un viol, répond à un recours formé en 2011 par 1.279 femmes au nom du « droit à l'information », à la suite de Monica Roa qui était à la tête de la campagne qui avait obtenu cette dépénalisation.

Ces 1.279 femmes avancent que le Procureur général Ordoñez, mais aussi le procureur pour la défense des droits de l'Enfance, de l'Adolescence et de la Famille, Mme Ilva Myriam Hoyos, et celui chargé de la Fonction publique, Mme Maria Eugenio Carreño, ont émis « de manière continue et systématique une série de déclarations qui contiennent des informations inexactes ou déformées en rapport avec les droits reproductifs des femmes colombiennes ». Il lui est ainsi reproché d'avoir dit que la sentence T-388 de la Cour sur les droits reproductifs, l'éducation sexuelle et la dépénalisation de l'avortement dans les cas sus-nommés allait donner lieu à des « campagnes massives de promotion de l'avortement comme un droit ».

La Cour – selon la presse – a donné 48 heures à Alejandro Ordoñez à compter de la notification de la sentence pour expliquer que ces campagnes visent à faire connaître aux femmes colombiennes leurs « droits sexuels et reproductifs, parmi lesquels se trouve l'interruption volontaire de la grossesse dans les hypothèses dépénalisées ».

Pour autant Mme Ilva Myriam Hoyos, est elle condamnée à faire savoir au Superintendant national de la santé qu'elle accepte que l'organisme dont il à la charge est obligé d'ôter tout obstacle à l'accès des femmes à leur « droit » à « l'interruption volontaire de grossesse » – droit qui leur est acquis dans les cas posés par la jurisprudence.

Alejandro Hoyos doit encore affirmer publiquement que la pilule du lendemain n'est jamais abortive. Il doit aussi affirmer que son interprétation de la Constitution selon laquelle l'objection de conscience par rapport à l'avortement ne peut être restreinte par aucune autorité judiciaire ou administrative est fausse : il devra établir une circulaire affirmant les limites jurisprudentielles apportées à l'objection de conscience dans le cadre des avortements dépénalisés. De même, éliminer d'une de ses circulaires l'affirmation selon laquelle des institutions peuvent invoquer l'objection de conscience, et selon laquelle celle-ci peut être exercée de manière collective.

Comme si cela ne suffisait pas il lui est enjoint de lever la suspension de la décision d'inclure le principe actif misoprostol (utilisé pour des avortements médicamenteux) dans le cadre du Plan obligatoire de santé, afin que le processus d'agrément puisse être mené à terme.

Mme Hoyos et Mme Carreño devront elles aussi s'abstenir de se mêler de manière injustifiée du processus d'inclusion du misoprostol dans le Plan obligatoire de santé. La première devra en outre avouer que les recours contre la sentence T-388 n'ont en rien suspendu ses effets, comme elle l'avait dit à la radio.

Devant une telle manifestation de totalitarisme – chercher à faire dire à ces magistrats le contraire de ce qu'ils pensent – je crois nécessaire de vous donner les noms des signataires de cette décision d'anthologie, une sentence-fleuve que vous pourrez découvrir sur le site de la Cour : Humberto Antonio Sierra Porto, Maria Victoria Calle Correa, Luis Ernesto Vargas Silva, magistrats, et Martha Victoria Sachicha Mendez, secrétaire générale.

La sentence porte la date du 10 août, mais l'information n'est sortie dans la presse colombienne qu'en ce jeudi, et Alejandro Ordoñez, interrogé par l'agence de presse Colprensa, a fait savoir qu'il n'avait pas encore lu la sentence : « Je n'en ai pas connaissance. On ne me l'a pas notifiée. Je n'ai que les informations données par la presse. »

Ce blog a parlé à plusieurs reprises d'Alejandro Ordoñez : iciici et ici.

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