09 décembre, 2014

Avortement post-natal : l’idée commence à gagner du terrain

Udo Schuklenk. Epargner la souffrance en tuant.
Il y a une justification à ce que des médecins choisissent de mettre un terme à la vie de certains nouveau-nés porteurs d’une affection terminale, a déclaré un bioéthicien canadien intervenu de manière radicale dans l’actuel débat autour du suicide assisté au Canada. Udo Schuklenk est professeur de philosophie et non de médecine, et il n’est pas le premier chercheur de son espèce à avoir soulevé la question de l’euthanasie natale en l’assimilant à un « avortement post-natal ». Ce qui frappe, ici, c’est le choix de la publication scientifique où il a fait cette proposition : il s’agit du Journal of Thoracic and Cardiovascular Surgery.
Ce n’est pas quelque obscure feuille de réflexions pour gens qui s’adressent mutuellement à leurs bonnets : non, c’est une revue médicale des plus pratiques, vouée à donner aux médecins de terrain les dernières informations sérieuses sur leur spécialité.
« Les parents devraient avoir le droit de décider librement à propos de ce qui reviendrait à un avortement postnatal », écrit-il.
Et de préciser : l’euthanasie serait dans ce cas préférable à la « sédation terminale » où l’on prive le patient de nourriture et d’hydratation, car elle épargnerait aux parents et aux équipes médicales la « détresse » de voir le bébé s’étioler sur des jours ou même des semaines. Le Pr Schuklenk soutient que le bébé ne souffre pas dans ce dernier cas de figure, qui peut se produire et qui se produit effectivement au Canada aujourd’hui, « mais c’est terrible d’en être le témoin ».
L’euthanasie pour abréger la souffrance des parents, et que, de préférence, elle soit rapide ? Il s’agit bien de cela.
Mais la question de l’euthanasie des enfants est et reste sensible. De même que les promoteurs de l’initiative écologiste de légalisation de l’euthanasie ne veulent pas qu’on en parle tout de suite, de peur de ralentir l’ensemble du processus, de même faudra-t-il au Canada se focaliser « d’abord » sur les adultes consentants, a précisé le Pr Schuklenk.
L’exemple sur lequel portait sa proposition d’« avortement post-natal » était celui d’un nouveau-né dont l’état physique d’hétérotaxie permettait d’envisager plusieurs réponses médicales : aux moins trois opérations lourdes permettant au mieux la vie pendant une petite quinzaine d’année, un traitement non chirurgical permettant quelques années de vie, des soins de simple confort conduisant jusqu’à une mort probable en moins d’un an, ou l’euthanasie.
Schuklenk opte bien entendu pour la solution finale, soulignant au passage qu’aux Pays-Bas où l’euthanasie des nouveau-nés est légale il n’y en a eu qu’une poignée – alors que la « sédation terminale » est utilisée « 299 » fois par an. Celle-ci, faut-il le rappeler, est véritablement une euthanasie par omission, une euthanasie lente mais non moins réelle.

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© leblogdejeannesmits



3 commentaires:

Marie a dit…

Bonjour,
mon message ne concerne pas que l'article ci dessus ;
même si je suis souvent d'accord avec ce que vous écrivez, travaillant en soins palliatifs je suis assez peinée voire je dois l'avouer assez énervée de certains de vos raccourcis.
On ne parle pas de sédation terminale mais de sédation en phase terminale. Et cette sédation ne consiste pas à priver les gens de nourriture ni d'alimentation mais à les endormir de façon intermittente ou quelques fois, rarement, de façon permanente.
Cette démarche ne se fait pas en un jour, n'est pas une décision individuelle, et surtout n'est pas faite à la légère. Elle ne tue pas.
On peut utiliser la sédation permanente quand des personnes atteintes d'un cancer du poumon sont en train de se noyer et que la sensation d'étouffer leur est insupportable.
Je voudrais aussi évoquer l'alimentation dont vous avez parlé dans des posts datant du printemps. Certaines maladies comme le cancer notamment font perdre l'appétit. En fin de vie (même si la mort n'est pas imminente) les personnes ne sont pas forcées à manger, ni par sonde ni par alimentation parentérale. Pour autant on ne les tue pas. Certains des patients que j'ai accompagnés n'ont mangé qu'une cuillère de glace par jour pendant trois mois, et ne sont pas morts de faim mais de leur maladie.
Et quelques fois une alimentation par sonde par exemple peut entraîner de graves complications pulmonaires, chez certains patients en état végétatifs chroniques par exemple.
Voilà, je me répète, je suis vraiment en accord dans l'esprit avec ce que vous écrivez, mais je pense que certains sujets sont tellement sensibles et difficiles que les mots employés ont vraiment de l'importance.
Merci de votre lecture

Jeanne Smits a dit…

Madame,

Vous travaillez dans un service de soins palliatifs qui à l'évidence, a pour souci le respect de la vie.

Et je ne voudrais contredire en rien ce que vous décrivez de la sédation en phase terminale et de la nourriture administrée, ou non selon les circonstances.

Mais dans certains cas – parfois, voire souvent aux Pays-Bas, en Belgique, au Royaume-Uni – la sédation terminale associée au refus de donner une alimentation à une personne qui est en état de la recevoir et chez qui elle remplit normalement sa fonction est une manœuvre euthanasique qui a pour objectif non de soulager une souffrance mais de hâter ou de programmer la mort.

Ainsi ce qui est proposé pour Vincent Lambert qui n'est nullement en "phase terminale" d'une maladie est bien une forme de "sédation terminale", ici par la privation de nourriture et d'hydratation associée à des calmants.

Vous avez raison de mettre en évidence les ambiguïtés des mots, mais il me semble qu'elles sont voulues, pour faire peu à peu disparaître la frontière entre sédation en phase terminale qui peut être légitime même si elle hâte la survenue de la mort, la sédation terminale lorsqu'elle a pour objectif de faire survenir la mort, et l'euthanasie "directe".

En fait tout dépend de l'intention des médecins et de leur volonté, ou non, de respecter la vie, ce qui n'empêche pas de prendre les moyens de soulager la souffrance ou de ne pas l'augmenter.

Dites-moi si cela vous paraît ainsi mieux exprimé de ma part.


Marie a dit…

Il est tout à fait certain que M; Lambert, est en bonne santé générale. Et c'est ce qui l'a déjà sauvé.
Heureusement pour les patients qui ont les mêmes problèmes que lui, la privation de nourriture pour des raisons autres que médicales (pneumopathies...) n'est pas vraiment courante, voire très rare.
Il faut tout de même rester vigilant, et contrer le plus vite possible l'endoctrinement fait par les journalistes sur une population qui malheureusement ne prend pas toujours les bons moyens pour rester informé.

Le terme de sédation terminale est toujours employé par les journalistes mais ne fait pas partie de la loi, ni (à ma connaissance) de la nouvelle proposition qui vient d'être faite par deux députés.
Cordialement

 
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