01 février, 2016

Le virus Zika « justifie » l’avortement – mais Ana Carolina Caceres, une jeune femme microcéphale raconte son bonheur de vivre

Ana Carolina Caceres n’aurait jamais dû vivre. Le jour de sa naissance au Brésil – il y a 24 ans – les
médecins en étaient sûrs. La petite fille microcéphale allait mourir bientôt. Si ce n’était pas tout de suite, ce serait au terme d’un lent calvaire pour ses parents : « Elle ne marchera pas, elle ne parlera pas, et, avec le temps, elle entrera dans un état végétatif et elle mourra », annonça le docteur. Aujourd’hui le virus Zika fait des ravages au Brésil, on le pense responsable d’une montée inédite de cas de microcéphalie, et comme ailleurs en Amérique latine les féministes réclament la légalisation de l’avortement pour les femmes atteintes, et enceintes. Le discours des médecins n’a pas changé d’un iota.
Les parents de la petite Ana Carolina étaient des gens simples. Loin d’accepter la condamnation de leur bébé par le corps médical, ils se sont battus – nous allons voir comment. 24 ans plus tard, Mlle Caceres, après avoir eu une scolarité normale, a fait des études à l’université, et elle est journaliste : un métier qu’elle a choisi pour être la voix des sans voix.
« Quand j’ai lu le reportage sur l’action en vue de la libéralisation de l’avortement en cas de microcéphalie actuellement devant le Tribunal suprême fédéral, je l’ai pris comme une atteinte personnelle. Je me suis sentie offensée. Je me suis sentie attaquée », écrit la jeune journaliste.

Ana Carolina Caceres, atteinte de microcéphalie
et diplômée d’université

Son histoire est étonnante. Lorsqu’elle est née, son père, technicien de laboratoire, était au chômage. Sa mère était aide soignante dans un hôpital – le couple était pauvre, mail cela lui permettait de bénéficier d’une petite assurance maladie. L’accouchement était pris en charge, mais que faire pour venir en aide au bébé qui avait du mal à respirer en raison de sa morphologie crânienne ? L’assurance maladie ne couvrait aucun examen exceptionnel, et encore moins la chirurgie nécessaire à l’état de la petite Ana Carolina.
Alors, toute la famille s’est réunie. « L’oncle, la tante, les gens de toutes parts, et chacun donné ce qu’il pouvait pour payer examens et opérations. » Chez les Caceres, on taillait dans les dépenses, on faisait des économies, on ne se permettait pas le moindre écart : « Notre maison a dû attendre avant d’être achevée, il a fallu construire un mur en terre pour économiser et jusqu’à aujourd’hui il y a des endroits où on ne peut même pas accrocher un tableau, parce que le mur s’effrite », raconte la jeune fille.
Mais tout cela a permis de financer ses opérations : elle avait neuf jours lors de la première, il y en aurait quatre autres.
« Ce ne fut pas facile, évidemment. Chez nous, tout était une bataille. Nous sommes une famille humble… » Humble mais obstinée, pour le bien.

L’avortement pour cause de virus Zika ? un arrêt de mort

Ana Carolina ne mourut pas, mais fut sujette aux convulsions tout au long de son enfance. « C’est une chose qui arrivera à tout porteur de microcéphalie – mais du calme, il y a des médicaments qui permettent de les contrôler. Je prenais du Gardanel et du Tegretol jusqu’à l’âge de 12 ans – depuis lors je n’en ai plus jamais eu besoin. (Et aujourd’hui je joue même du violon !) », écrit-elle.
Après avoir enragé en lisant le reportage sur l’action menée devant le Tribunal suprême fédéral, la journaliste raconte comment elle s’est rassérénée après une relecture plus calme, constatant qu’étaient également demandés l’éradication du moustique porteur du virus, de meilleures aides pour les mères qui ont des enfants comme elle, et « une politique sexuelle plus ample, allant de la distribution de préservatifs jusqu’à l’avortement ». Ana Carolina est une jeune fille de son temps…
Mais elle précise : « Cela m’a calmée. Je sais que l’avortement ne servirait qu’à prévenir le problème et je sais que le plus important, c’est le traitement : un accompagnement psychologique, de la physiothérapie et la neurologie. Tout cela dès la naissance. Je sais aussi que la microcéphalie peut entraîner des conséquences plus graves que celles que j’ai eues, et je sais que tous n’auront pas la même vie que moi. »

Le bonheur est possible si la vie est respectée

Alors qu’on ne parle aujourd’hui que d’avortement en cas de microcéphalie, Ana Carolina Caceres veut qu’on la regarde et qu’on l’écoute.
« Avec l’explosion de cas au Brésil, le besoin d’information est encore plus grand et il y a beaucoup de gens qui doivent dépasser leurs préjugés et s’informer davantage. Le ministre de la Santé, par exemple. Il dit que le Brésil aura une “génération d’idiots” à cause de la microcéphalie. Si je l’avais en face, je lui dirais : “Fiston, plus idiot que ce que tu viens de dire, ça n’existe pas, non.” Car la microcéphalie est une boîte à surprises. Il peut y avoir des problèmes plus graves, ou non. Je crois que celui qui choisit l’avortement ne donne même pas une chance à l’enfant de l’emporter et de survivre, comme cela m’est arrivé et comme cela arrive à tant de gens qui travaillent, font des études, vivent normalement – avec leur microcéphalie. Les mères de ces personnes n’ont pas choisi  l’avortement. C’est pour cela que nous existons. »
Ana Carolina Caceres dit les choses simplement. Que les femmes fassent tranquillement leur test prénatal et qu’alors, surtout, elles trouvent un neurologue, « de préférence avant la naissance du bébé ». Elle est la preuve vivante qu’on n’a pas le droit de tuer ceux qui lui ressemblent.

• Voulez-vous être tenu au courant des informations originales paraissant sur ce blog ? Abonnez-vous gratuitement à la lettre d'informations. Vous recevrez au maximum un courriel par jour. S'abonner



© leblogdejeannesmits



Aucun commentaire:

 
[]